One Batter After Another VS Eddington : la bataille du politique au cinéma 

Cinéma, politique et propagande ont souvent fait bon ménage.

Dans les années 70, le « Third Cinema » d’Amérique Latine a fait parler de lui avec ses idées anti-colonialistes et anti-impérialistes. Ce mouvement, théorisé et pratiqué par les réalisateurs Fernando Solanas et Octavio Getino, s’ajoutait au « Premier Cinéma » (la genèse de l’art cinématographique) et au « Deuxième Cinéma », que l’on peut assimiler à la Nouvelle Vague et au cinéma d’auteur basé sur l’expression individuelle et l’innovation esthétique. L’objectif principal du Third Cinema était de privilégier un message politique avant l’esthétique, en court-circuitant les idées dominantes par un travail collectif et ancré localement.

En 2025, les films à gros budget intègrent toujours des idées politiques, plus ou moins nuancées, souvent assumées, parfois satiriques. Un cas intéressant est celui de One Battle After Another de Paul Thomas Anderson et Eddington d’Ari Aster. Ces deux films sont clairement porteurs d’un message politique, mais leurs approches diffèrent notablement.

De mon point de vue, Eddington est plus nuancé que One Battle After Another dans le sens où, à la manière d’un épisode de South Park, tous les avis politiques y sont tournés en ridicule. Les personnages caricaturaux interprétés notamment par Pedro Pascal et Joaquin Phoenix incarnent deux idéologies opposées : la gauche pro-vaccination et la droite anti-vaccination, dans le contexte de la pandémie de 2020. Par exemple, on retrouve le réflexe presque pavlovien chez les pro-vax de toujours vouloir augmenter la distance de sécurité ou de garder le masque bien au-dessus du nez. De l’autre côté, le personnage de Joaquin Phoenix affiche sur son véhicule l’inscription « your being manipulated », qui fait d’abord référence à la débilité d’une partie des anti-vax, mais peut aussi se lire comme « your being, manipulated », c’est-à-dire toi-même manipulé. Au-delà de ces deux idéologies moquées, on croise aussi des groupes de complotistes et des cultes dépeints de manière comique. Ce que j’ai particulièrement apprécié dans ce film, c’est qu’il exige un esprit critique et du recul pour être pleinement apprécié. Le film semble dire : « Tu vois, en contexte de crise, notre comportement collectif est parfois irrationnel, il faut savoir relativiser. » Ari Aster lui-même a expliqué en interview que le but était de montrer que dans la politique récente, plus que jamais, les vérités sont multiples et que, quel que soit le camp, les réseaux sociaux catalysent l’idiotie.

En revanche, One Battle After Another choisit clairement un camp et se passe de toute subtilité : celui de la révolution contre le système patriarcal dominant. Il s’agit sans doute d’un clin d’œil (ou d’une tentative de retour) au Third Cinema évoqué plus haut, incitant nécessairement le spectateur à s’engager dans cette révolution. Les personnages principaux sont tous du même côté, et on y trouve des parallèles clairs avec le système américain. On ne peut nier que la vision de ce système change après avoir vu le film. Là où l’analyse peut être nuancée, c’est la manière dont le personnage joué par Leonardo DiCaprio est persiflé : même s’il reste attachant, il est dépeint comme un paresseux à tout le moins, et un révolutionnaire de canapé en vieillissant.

Techniquement, les deux films restent pour moi très bons et je vous invite donc à les visionner et à vous faire votre propre avis.

   Ryad GHIYATI