Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan - Ken Scott
Pour parler de Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan, le nouveau film de Ken Scott, il faut d’abord évoquer le roman autobiographique de Roland Perez, dont il s’inspire. Le film reprend fidèlement l’essence de ce récit : face au pied bot de son fils, une mère refuse d'appareiller son enfant, employant toute son énergie pour lui permettre de marcher normalement.
La question du handicap n'est que très brièvement abordée et ne sert que de prétexte pour installer la dynamique entre la mère et son fils. La mère de Roland, Esther, se démène pour faire disparaitre le handicap de son fils, alors que la seule personne que cela dérange réellement, c'est elle-même. Très vite, on comprend que le véritable handicap de Roland n’est pas physique : le réel handicap de Roland, c’est l’amour étouffant de sa mère. Une mère qui l’aime à la folie, au point de façonner sa vie à son image et de l’empêcher, doucement mais sûrement, de devenir lui-même.
Ken Scott s’attelle avec soin à faire traverser plusieurs décennies d’histoire au spectateur, reconstituant Paris de 1963 à nos jours avec une mise en scène remarquable. Grâce à des décors et des costumes précis et une bande sonore signée Sylvie Vartan, il parvient à recréer l’ambiance avec justesse et sensibilité. Cette attention portée à l’atmosphère ancre le récit dès les premières scènes et nous introduit naturellement dans l’univers de la famille Perez.
Si la reconstitution historique du Paris des années 60 est soignée, le film se heurte à une décision de mise en scène bien plus contestable : l’usage de l’intelligence artificielle. La présence de l’intelligence artificielle, pour recréer numériquement un visage, brise l’immersion de manière assez flagrante. Ce moment, loin de servir le propos ou d’enrichir la mise en scène, interrompt brutalement le fil narratif. Ce choix soulève des questions sur l’apport de l’intelligence artificielle et sa place future dans le cinéma.
Le film est engageant, dès les premières scènes, où l’on découvre une famille pleine de vie à travers des scènes au rythme narratif dynamique. On ne peut s'empêcher d’être touché par l’histoire du petit Roland, pris dans ce tourbillon d’amour et de défis. Ce sentiment s’essouffle avec l’arrivée de la deuxième partie, où l’on perd peu à peu cette complicité familiale qui marquait les premières scènes. Le récit s’éparpille et les intrigues se multiplient et s’enchaînent trop rapidement pour qu’on puisse réellement les appréhender ou s’y attacher.
Leïla Bekhti livre une performance touchante dans le rôle d’Esther. Elle incarne avec nuance cette mère excessive, avec un amour si débordant qu’il en devient envahissant. Jonathan Cohen lui donne la réplique, dans un rôle étonnant qui sort de son registre comique habituel. Le duo, connu pour leurs rôles dans La Flamme et Le Flambeau, peut avoir du mal à convaincre lors de leurs premières scènes, mais ils s’en sortent globalement assez bien même si certains passages auraient gagné à être plus sobres.
Finalement à travers son récit assez atypique, Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan aborde des thèmes universels : l’amour maternel, le besoin de liberté et le poids des attentes familiales. Des sujets qui permettent à chacun de s’identifier et de ressortir du film ému.
Tiphaine Chouteau